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Kafka Franz - Le Procès

Kafka Franz - Le Procès

Difficile de dire ce qui nous fascine tant chez Kafka alors que tous ses romans semblent inaboutis. Dans le procès, on suit le long cheminement de Joseph K. pour prouver son innocence. On pense en lisant la scène d’introduction lorsqu’au réveil il est arrêté (tout en étant laissé en liberté durant sa procédure) pour une raison indéterminée à une dénonciation du stalinisme. Mais on croit comprendre au fil du récit et de la tracasserie administrative qu’il subit, des incompréhensions et de l’absurdité des situations, que c’est plutôt de sa culpabilité ontologique, de son incapacité à réagir (abdiquant, il finit par se persuader qu’il est coupable) et de son mal être que Kafka parle, même si le roman laisse le champ libre à plusieurs interprétations.

Et on ne peut s’empêcher de le mettre en perspective avec les atermoiements de l’auteur pour épouser Felice Bauer (il se fiancera 2 fois avec elle avant de mettre fin chaque fois à leur relation), avec ses relations difficiles avec son père, figure tutélaire et autoritaire dont il écrira un texte (Lettre au père) autant pour se justifier que pour s’en libérer, avec son hypocondrie (il se plaindra presque obsessionnellement de ses problèmes de santé à Felice Bauer) et sa procrastination naturelle. 

Ce qui nous permet de penser que derrière le personnage du roman se dessine Kafka en personne. Un personnage qui se heurte à l’indifférence et s’accroche à de vains espoirs. Et si des portes paraissent s’entrouvrir, c’est pour mieux se refermer. Et il y a un certain vertige à suivre ses péripéties qui prennent la forme d’un vaudeville absurde. On croise la route de femmes aux comportements erratiques, parfois entreprenantes, parfois insensibles, d’un magistrat cocu et collectionnant des illustrations pornographiques, d’un avocat aussi intarissable qu’incompétent dont il comprendra qu’il ne pourra lui être d’aucune aide et qu’il congédiera pour « s’occuper de son procès lui-même », d’un prêtre, le représentant de la loi, qu’il consulte et qui ne fait que le déconcerter. 

Le monde de Kafka est rempli de leurres et de faux-semblants soulignés par l’absurdité des situations décrites comme une évidence. A l’image de l’incurie et de la vacuité des personnages, les cloisons des appartements et des bâtiments du roman cachent des pièces secrètes renfermant des mondes fantasmagoriques. Comme quand Joseph K. erre dans les bureaux du tribunal, un immeuble en apparence banal dont les surfaces donnent l’impression de se démultiplier. 

Il y découvre un long couloir où sont présents de nombreux autres accusés semblablement dans la même situation que lui. Une foule dont on ne pouvait soupçonner l’existence. Des participants agités, bavards et imprévisibles qui accentuent un sentiment d’oppression latent. « Il se croyait sur un bateau en mauvaise passe, il lui semblait qu’une eau furieuse frappait contre les cloisons de bois et il croyait entendre venir du fond du couloir un mugissement semblable à celui d’une vague qui allait passer sur sa tête… »

Une foule d’anonymes qui l’enferme irrémédiablement dans sa solitude, ce qui fait penser à Gregor Samsa, le personnage de sa nouvelle publiée 10 ans plus tôt « la métamorphose » qui se transforme en un « monstrueux insecte », illustrant son mal-être et son incapacité à faire face à l’existence. 

 Et outre l’étrangeté des scènes et des personnages, on est aussi interpellé par la forme dépouillée de son écriture qui vient peut-être du fait que « Le procès » n’était pas achevé à sa mort et n’avait pas pour but d’être publié : il avait envoyé en ce sens une lettre à Max Brod, son ami et exécuteur testamentaire lui demandant de brûler ses écrits. Celui-ci ne respectant bien sûr pas ses dernières volontés. 

Un style à l’image de sa vie (jusqu’à sa retraite anticipée, il n’aura été qu’un simple employé d’une compagnie d’assurance), ce qui l’a d’ailleurs rendu plus qu’aucun autre écrivain conscient d’appartenir à un monde bureaucratique hostile à toute subjectivité. La mort de Joseph K. à la fin du roman est en cela significative. Vers 9 heures du matin, 2 hommes se présentent chez lui aussi soudainement qu’on l’avait mis en arrestation et le conduisent dans une carrière isolée pour l’exécuter froidement avec un couteau de boucher. « Les yeux mourants, k. vit encore les deux messieurs penchés tout près de son visage qui observaient le dénouement joue contre joue. Comme un chien ! dit-il, et c’était comme si la honte dût lui survivre. »

 

 

            Autre livre conseillé : La métamorphose

 

 

 


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