Après avoir sorti un EP hérité de la mouvance punk en cette belle année 1978 Joy Division sort un an plus tard leur premier album intitulé « unknown pleasures » qui traumatisera plus d’un auditeur. D’abord par la justesse technique de Stephen Morris, le batteur, qui semble ajuster des lames acérées et métronomiques (écoutons avec des oreilles averties « she’s lost control »), puis par la basse hypnotique de Peter Hook placée volontairement en avant et qui deviendra l’archétype de la basse du début des années 80’s, et enfin par la voix profonde et presque désincarnée de l’épileptique et dépressif Ian Curtis.
La production froide et implacable du producteur Martin Hannett de la Factory records ne fait que rajouter un élément de déflagration supplémentaire à cet ensemble post-punk précurseur du gothique. Le morceau d’introduction « disorder » ainsi que « she’s lost control » se détachent de l’album. Ce qui ne sera le cas d’aucun des morceaux du suivant « closer » qui atteindra la perfection autant par la linéarité de sa rythmique, son côté audacieux que par la variété de ses titres. C’est pourtant un album indissociable du premier ; ces 2 performances étant liées par leur cohérence esthétique.
« closer » débute par un roulement de batterie « atrocity exhibition » qui tournera en boucle jusqu’à l’ultime note, ce qui sera l’occasion pour Bernard Summers de produire d’étranges bruitages avec sa guitare. Suivra « isolation » avec son air entêtant joué au synthétiseur et soutenu par la basse caractéristique de Peter Hook. Les morceaux s’enchaînent ensuite toujours avec cette rythmique clinique et la voix cathartique de Ian Curtis.
Il faudra attendre l’avant-dernière plage « the eternal » pour entendre un titre plus apaisé, un titre qui avec ses effets électroniques est presque ambiant, ce qui contraste avec l’ouverture plus brute de l’album et ce qui laisse entrevoir ce qu’aurait pu devenir le groupe si Ian Curtis n’avait pas commis l’irréparable. Ce qui est aussi vrai pour l’onirique et étiré « decades » avec ses nappes synthétiques qui clos magnifiquement l’album. On regrettera cependant que l’emblématique « love will tear us apart » n’y figure pas ; un single sorti presque simultanément et plus accessible qui démontrera que le groupe était capable de produire des mélodies accrocheuses et qu’il aurait pu conquérir un plus large public.
Au fil du temps, leur influence sur la scène musicale rock ne se démentira pas. Une postérité qui ne sera pas seulement due à la texture particulière de la voix du chanteur ou à sa présence scénique à la limite de la crise épileptique ou même à son destin tragique (en instance de divorce, sujet à des idées noires, il se suicidera le 18 mai de la même année, ce qui sera le point de départ de la légende du groupe).
Un groupe qui sous l’impulsion du bassiste Peter Hook changera de nom « New Order » et d’orientation musicale. Leur composition de moins en moins sombre incorporera de plus en plus de boîtes à rythmes jusqu’à devenir la coqueluche des clubs de danse à la sortie du célèbre « blue monday » remixé à l’envie. Mais tout ceci est une autre histoire.
Album conseillé : unknown pleasures
substance (compil)
Film conseillé :
control (film biographique sur Ian Curtis)